Mercredi dernier, le 22 novembre, Open Knowledge Foundation et AfroLeadership ont organisé une table ronde autour de l’infrastructure numérique publique (DPI) pour le processus électoral avec un focus sur les initiatives développées en Afrique Francophone.
C’était la quatrième table ronde dans le cadre de cette initiative avec laquelle nous essayons de mapper les initiatives et les projets déjà actifs dans le domaine, de nous connecter avec les experts pour comprendre ensemble quels sont les défis et les opportunités dans le domaine, et pour construire ensemble une infrastructure numérique publique pour le processus électoral qui soit solide et qui puisse aider à rendre nos démocraties plus participatives et donc moins vulnérables.
Nous tenons à remercier Charlie Martial Ngounou d’AfroLeadership pour son aide précieuse dans la sélection des intervenants.
Table Ronde
Cyrille Bechon, directrice exécutive de l’ONG Nouveau Droit de l’Homme au Cameroun nous a beaucoup parlé de confiance, essentielle pour garantir la participation au processus électoral. Son ONG travaille énormément sur le plaidoyer pour une réforme du système électoral au Cameroun, mais aussi sur une réforme des règles pour la protection des élection, notamment pour ce qui concerne les candidatures indépendantes et la non prise en compte de la jeunesse (aujourd’hui au Cameroun on ne peut pas voter en dessus de 20 ans). “Il nous faut des outils qui nous permettent d’ observer le cycle électoral tout au long (pendant, avant, et après).”
Philippe Nanga, coordinateur de l’ONG Un Monde Avenir au Cameroun, travaille aussi à une révision consensuelle et participative du code électoral. Il fait cela notamment à travers la formation et le déploiement d’acteurs et animateurs de proximité, qui vont vers le grand public pour expliquer les enjeux électoraux et l’importance de participer au vote. Pour Philippe aussi, afin d’arriver à un processus democratic transparent et sécurisé, il faut passer par une réforme électorale et garantir une observation indépendante de la part de la société civile, du cycle électoral. “C’est ce qu’on a fait lors du scrutin des dernières élections. Nous avons déployé 1350 observateurs dans les 10 régions du Cameroun, ce qui a permis la publication des résultats des 6000 bureaux de vote le soir même de la clôture des élections”. La rapidité dans la publication des résultats réduit la crainte de fraude et augmente la confiance des électeurs, selon Philippe.
Abdulayé Diallo responsable de questions électorales et droits numériques pour la Rencontre Africaine des Droits de l’Homme (RADHO), est tout à fait d’accord avec les deux autres intervenants: l’observation du cycle électoral tout au long, et la participation de la société civile sont essentiels. En vue des élections au Sénégal en 2024, il travaille à la mise au point d’une infrastructure numérique publique bien solide. Avec RADHO ils ont notamment publié une base de données ouverte avec tous les résultats électoraux de 1998 jusqu’à présent. “Les outils numériques permettent une participation massive à la démocratie et une certaine transparence contre la corruption, il faut les saisir.”
Pius Kossi Kougblenou de l’ONG Acomb au Togo et membre du réseau Open Knowledge, nous a présenté la méthodologie d’administration électorale Bridge (Building Resources in Democracy, Governance, and Elections) comme bon exemple. Les élections au Togo ont historiquement été marquées par des contestations, des manifestations dans les rues, des violences, des blessés, des décès, des départs en exil, et une aggravation de la crise socio-politique. “Pour contrer cela, des méthodologies électorales comme Bridge sont nécessaires”, selon Kossi, néanmoins des défis restent à relever, notamment liés à la corruption.
Didier Amani, président de Tournons la Page, nous a parlé de l’usage des TIC pour un processus électoral plus democratique et citoyen. Lors des dernières élections locales en Côte d’Ivoire, Tournons la Page a fait un suivi de la communication institutionnelle autour des élections afin de mesurer l’impact et l’engagement des citoyens. Le résultat? Les communications officielles sont très inefficaces: elles ne répondent pas aux questions de fond et laissent la place aux discours de haine et campagnes de désinformation qui découragent les électeurs. “Il faut mettre en place un système de veille citoyenne sur les élections.” Comme Philippe, Didier pense aussi qu’il faut un partage rapide des résultats. C’est ainsi qu’on peut commencer à contrer la narrative de la fraude.
Après le tour de table, nous avons laissé la place au public, pour entendre leurs craintes, leurs questions et leurs avis.
Yussuf Ndiaye, vice-président du Comité Miroir du Sénégal sur la bonne gouvernance, a souligné que pour avoir une acceptation générale du consensus sur le processus électoral, il faut avoir confiance dans les acteurs. Il faut selon lui un bon suivi et des personnes ressources pour superviser en avant et en aval. “C’est la seule voie pour éviter le conflit.”
En répondant à Yussuf, Abdulayé Diallo nous a rappelé qu’en Afrique toute les crises politiques sont d’ordre électoral. L’inclusion et la participation sont nécessaires, afin d’avoir une véritable symétrie de l’information. Il est essentiel pour cela d’avoir des bases de données ouvertes et accessibles.
Cyrille Bechon est d’accord avec Yussuf: la question du consensus dépend de la bonne foi des acteurs. Une fois qu’on a ce consensus, il faut mettre des règles claires, des mécanismes pour garantir que ce consensus soit respecté,et qu’il y ait pas de contournement. Selon Cyrille, plus encore que le consensus, il nous faut des mesures d’engagement supplémentaires. Philippe Nanga revient la dessous: le consensus est la clé pour prévenir les conflits, mais il faut qu’il se formalise dans la loi et se concrétise dans les institutions. C’est ainsi qu’on gagne la confiance citoyenne, et que le citoyen voudra bien s’investir et participer.
Nous sommes tous d’accord: il y a du travail à faire avec l’éducation pour rétablir une confiance dans les institutions en place.
Une autre grande préoccupation est liée à l’infrastructure, et notamment la mauvaise qualité d’internet dans les pays africains et les fréquentes coupures d’internet en période électorale.
À propos du projet
L’Open Knowledge Foundation souhaite créer et permettre une alliance internationale pour promouvoir, concevoir et mettre en œuvre les éléments constitutifs d’une Infrastructure Publique Numérique pour les Processus Électoraux. L’objectif de l’alliance est de créer une technologie ouverte par conception qui peut être réutilisée pour rendre les processus démocratiques plus fiables, plus résistants et plus transparents.
Il ne s’agit pas de systèmes de vote. Il s’agit de savoir comment les technologies libres peuvent soutenir toutes les étapes du processus électoral. De la gestion de la base de données des candidats et des bureaux de vote à la publication et à l’archivage des résultats.
La démocratie doit être plus participative et seule l’ouverture peut créer les bases de processus où les gens peuvent être intégrés.
La première étape de cette initiative consiste à comprendre ce qui est déjà disponible dans le domaine des élections ouvertes. Nous réalisons une cartographie collaborative des projets locaux et mondiaux afin de rassembler une masse critique et d’identifier les lacunes, les éléments qui peuvent être réutilisés et les besoins les plus urgents.
Connaissez-vous des projets existants ou des professionnels qui contribuent à une infrastructure publique numérique pour les élections ? Ajoutez-les dès maintenant à notre Référentiel de Projets ou à notre Annuaire Mondial dans la catégorie Élections ouvertes.
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